Pina

Théma Wim Wenders

Un large panorama de la carrière du Prix Lumière 2023, entre fictions et documentaires.

Avec le Prix d’interprétation masculine remis à Cannes, en 2023, à Kōji Yakusho, pour son rôle d’employé des toilettes publiques tokyoïtes dans Perfect Days, le travail de réalisateur de fictions de Wim Wenders est revenu en pleine lumière. Lumière, un mot qui entre bien en résonance avec sa carrière, lui qui a notamment consacré un film aux frères Skladanowsky, justement considérés comme les "Lumière berlinois". Il était donc logique que le Prix Lumière, décerné par l’Institut lyonnais éponyme, finisse par lui revenir un jour ou l’autre, ce qui fut le cas en septembre 2023.
Cette large sélection de ses longs-métrages que nous vous proposons rend compte des deux facettes de son travail : cinq documentaires, aux sujets plus que variés, et dix fictions ; mais la frontière entre ces deux grandes catégories cinématographiques ne sont pas toujours si étanches que cela avec lui…

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Dennis Hopper et Nicholas Ray dans L'Ami Américain

L’Angoisse du Gardien de But au Moment du Penalty

Arthur Brauss et Erika Pluhar dans L'Angoisse du Gardien de But au Moment du Penalty

Si l’on considère Summer in the City (1970) comme son film de fin d’études à la Hochschule für Film und Fernsehen de Munich, L’Angoisse du Gardien de But au Moment du Penalty (1971) est le premier véritable long-métrage (commercialement exploité) de Wim Wenders. Le film est une adaptation du roman éponyme de l’écrivain autrichien Peter Handke, les deux hommes étant amis et ayant déjà collaboré ensemble sur un court-métrage de Wenders en 1969, 3 Amerikanische LP's, qui témoignait déjà de leur passion/fascination commune pour le rock’n roll et les Etats-Unis. Pas de rock, ni d’Amérique dans ce film mais, déjà, une errance sans but véritable, celle d’un gardien de but qui, suite à une expulsion, dérive dans la nuit viennoise et tue une caissière de cinéma avec qui il vient de passer la nuit. Bien des thèmes des futurs films de Wenders sont déjà présents et la "dream team" de ses fidèles collaborateurs est en place : Robby Müller à la photographie (treize films ensemble), Peter Przygodda au montage (dix-neuf collaborations) et Jürgen Knieper à la musique (huit bandes originales de Wenders).

La Lettre Écarlate

Yella Rottländer et Senta Berger dans La Lettre Ecarlate

Avec le recul, La Lettre Écarlate apparaît comme un projet un peu étrange dans la filmographie de Wim Wenders. Le film n’est pas du tout contemporain, puisqu’il s’agit d’une adaptation d’une œuvre éponyme du XIXème siècle, de Nathaniel Hawthorne, considérée comme l’un des premiers grands romans américains. L’action se déroule à Salem (Massachusetts), au XVIIème siècle, en plein puritanisme. La lettre écarlate, c’est le A rouge sang d’Adultère que l’on coud sur les vêtements d’Esther Prynne, qui a accouché d’une petite fille alors que son mari a disparu depuis plusieurs années. Ce pamphlet contre l’intolérance avait déjà fait l’objet de plusieurs versions cinématographiques (la plus célèbre étant celle de Victor Sjöström, avec Lillian Gish, en 1926), mais presque toutes à l’époque du muet, et donc toutes en noir et blanc. La côte Est américaine a été reconstituée en Galice et le film est une coproduction germano-espagnole, dans laquelle on retrouve la star allemande féminine de l’époque, Senta Berger, souvent plutôt employée pour son sex-appeal, y compris à Hollywood (Major Dundee, Opération Opium, L’Ombre d’un Géant…), l’expérimenté Hans Christian Blech et le très cosmopolite et polyglotte Lou Castel (comédien suédois né en Colombie mais ayant surtout tourné en Italie).

Alice dans les Villes

Rüdiger Vogler dans Alice dans les Villes

Alice dans les Villes est une étape capitale dans la carrière de Wim Wenders, celle où, de son propre aveu, il pose réellement les bases de son cinéma ; pas seulement dans ses thématiques favorites (déjà présentes dans Summer in the City et L’Angoisse du Gardien de But…) mais surtout sans son style de mise en scène. Ce film où un homme et une petite fille sillonnent la Ruhr en 4L à la recherche de la famille de cette dernière, après que sa mère l’ait provisoirement "abandonnée" à Amsterdam, est le premier de la "Road Movie Trilogie" de Wenders, avant Faux Mouvement et Au Fil du Temps. On retrouve, dans les trois films, Rüdiger Vogler, qui avait déjà fait quelques apparitions dans ses films précédents (notamment aux côtés de Yella Rottländer, la petite Alice du film, dans La Lettre Écarlate), qui est sans doute plus connu du public français pour son rôle de nazi nostalgique dans OSS 117 : Rio ne répond plus. Le rock’n roll est cette fois vraiment au cœur d’Alice dans les Villes, à travers la musique originale du groupe de krautrock allemand Can, la captation d’un concert de Chuck Berry ou le tube de Canned Heat, On the Road Again, devenu totalement indissociable du film et qui pourrait être l'hymne commun à nombre des films de Wenders. C’est enfin la première fois que le cinéaste allemand tourne aux Etats-Unis, et bien évidemment pas la dernière…

Faux Mouvement

Hans-Christian Blech, Nastassja Kinski, Rüdiger Vogler et Hannah Schygulla dans Faux Mouvement

Nouvelle adaptation, assez libre et un peu inattendue (celle des Années d’Apprentissage de Wilhelm Meister, de Goethe, considéré comme la matrice du "roman de formation", très en vogue au XIXème siècle), et nouvelle collaboration avec Peter Handke, pour ce deuxième volet de la Road Movie Trilogie. Le jeune Wilhelm, aspirant écrivain, traverse l’Allemagne en train et fait la connaissance d’un petit groupe de personnes, qui vont chacune le confronter à l’apprentissage des réalités de la vie. Faux Mouvement est, assez étonnamment, la seule collaboration de Wenders avec la plus grande actrice allemande de l’époque (si l’on excepte Romy Schneider, artistiquement davantage française), Hanna Schygulla, qui est alors la muse de Fassbinder. On y croise également de nouveau Hans Christian Blech et une toute jeune débutante de treize ans, Nastassjia Kinski, que Wenders retrouvera une dizaine d’années, plus tard pour un rôle inoubliable dans Paris, Texas. Couronné de nombreux German Film Awards (les César allemands), Faux Mouvement est aussi la première de ses œuvres dans laquelle Wenders aborde le passé nazi de l’Allemagne, un sujet qui a évidemment profondément marqué ce que l’on appelé le "nouveau cinéma allemand" ayant éclos à la fin des années 60, cette génération de cinéastes nés juste avant, pendant ou après la guerre (Werner Herzog, Volker Schlöndorff, Margarethe Von Trotta, Helma Sanders-Brahms…).

Au Fil du Temps

Hanns Zischler et Rüdiger Vogler dans Au Fil du Temps

Dernier volet de la trilogie Road Movie, Au Fil du Temps est peut-être celui qui répond le plus exactement au canon du genre : deux hommes en camion, sur la route séparant encore les deux Allemagne (nous sommes en 1975), l’un étant réparateur de projecteurs de cinéma, l’autre venant de quitter sa femme ; du rock en fond sonore dans la cabine ; des rencontres éphémères ; et, au bout du voyage, une certaine foi retrouvée en l’avenir. Retour au noir et blanc d’Alice dans les Villes pour un film où l’on retrouve donc Rüdiger Vogler, véritable alter ego du cinéaste dans ses premiers films, qui fait ici la route avec Hanns Zischler, "anti-héros" du tout premier film de Wenders, Summer in the City. Le style du cinéaste allemand se radicalise encore ici un peu plus, avec de longs plans-séquence, presque tous improvisés devant la caméra ou écrits juste avant les prises, sur le vif. Au Fil du Temps exprime aussi toute l’ambivalence des sentiments du cinéaste à propos de l’Amérique : "Les Américains ont colonisé notre subconscient", comme il est dit dans le film. Celui de Wenders, assurément, lui qui a toujours reconnu avoir été énormément influencé par la culture américaine, qu’elle soit musicale, cinématographique, littéraire ou même picturale (nombre de plans de ses films citent ainsi Edward Hopper).

L’Ami Américain

Bruno Ganz et Dennis Hopper dans L'Ami Américain

Autre étape capitale dans la filmographie de Wim Wenders, L’Ami Américain marque le réel début de sa reconnaissance internationale, notamment aux Etats-Unis. C’est aussi son premier "film de genre" (thriller, en l’occurrence), ceci expliquant peut-être cela ; et le premier à bénéficier d’un casting international, au sein duquel Wenders a pris un malin plaisir à confier des rôles de criminels (parfois minuscules) à quelques-uns de ses amis cinéastes : les Américains Dennis Hopper (qui débarque tout juste du tournage infernal d’Apocalypse Now), Samuel Fuller et Nicholas Ray, les Français Gérard Blain et Jean Eustache, le Suisse Daniel Schmid ou encore l’Allemand Peter Lilienthal. Le film est une adaptation de l’un des romans de la série des Ripley de la reine du polar américain, Patricia Highsmith (Ripley s’amuse), tourné entre l’Allemagne, les Etats-Unis et la France. Quelques mois avant que Bertrand Blier n’y tourne le mémorable début de Buffet Froid, L’Ami Américain est d’ailleurs le premier film à utiliser la cinégénie, un peu déshumanisée, de la toute récente station de RER de La Défense ! C’est aussi la dernière collaboration entre Wenders et la comédienne fétiche de ses films depuis Alice dans les Villes, Lisa Kreuzer (qui est alors son épouse), et la première avec Bruno Ganz, dans le rôle d’un modeste restaurateur de tableaux hambourgeois atteint de leucémie et contraint d’accepter la proposition de Tom Ripley (Dennis Hopper) de tuer un homme pour mettre sa famille à l’abri du besoin.

Nick’s Movie

Wim Wenders et Nicholas Ray dans Nick's Movie

Comme son titre français l’indique davantage que son titre original (Lightning over Water), Nick’s Movie fut une manière, pour Wim Wenders, de payer sa dette artistique envers Nicholas Ray, qui fut l’une de ses grandes influences comme jeune cinéaste. Et une façon aussi de l’aider à réaliser son "chant du cygne", alors que Ray est en phase terminale d’un cancer incurable. Wenders décide d’ailleurs d’interrompre le tournage d’Hammett à Hollywood, produit par Coppola, pour rejoindre New York et filmer les derniers jours de son ami. C’est dire à quel point le film est évidemment hanté par la mort et illustre, concrètement, le célèbre aphorisme de Jean Cocteau : "Le cinéma, c’est la mort au travail, la mort au présent". Nick Ray, qui coréalise officiellement le film (ironiquement son premier et dernier documentaire…), enseigne alors le cinéma à New York, très loin d’Hollywood, qu’il a dû quitter après un grave malaise cardiaque sur le tournage des 55 Jours de Pékin, en 1963. Il souhaite pourtant faire un dernier film, avec son ami Wim, l’histoire d’un peintre mourant qui prend la mer pour la Chine afin d’y trouver un remède à sa maladie. La jonque flottant au large de New York que l’on voit dans le film (et sur son affiche française, signée Guy Pellaert) est comme la dernière trace de ce projet, avorté par la force des choses…

Tokyo-Ga

Tokyo-Ga

En 1983, avant de tourner Paris, Texas, Wim Wenders se rend au Japon, à la recherche des traces du Tokyo filmé par le grand réalisateur Yasujirō Ozu (Voyage à Tokyo, Dernier Caprice, Le Goût du Saké…), décédé en 1963, l’une des grandes admirations du Wenders cinéphile. Si, pour l’occasion, il rencontre l’ancien chef opérateur, Yuharu Atsuta, et le comédien fétiche d’Ozu, Chishū Ryū (il a joué dans 52 des 54 films du maître !), il ne retrouve pas grand-chose du Tokyo qu’il a découvert à travers les films du cinéaste japonais. Et fait, comme tout un chacun, le constat d’un pays étrangement tiraillé entre tradition et modernité. Cette sorte de carnet de voyage très personnel n’est pas sans évoquer le film Sans Soleil, que le cinéaste français Chris Marker, que Wenders croise d'ailleurs dans Tokyo-Ga, a tourné lui aussi à Tokyo à peu près au même moment. Wenders ne monta son documentaire qu’après la sortie (triomphale) de Paris, Texas et le présenta à Cannes en 1985, dans la sélection Un certain regard.

Carnets de Notes sur Vêtements et Villes

Yohji Yamamoto dans Carnets de Notes sur Vêtements et Villes

Après le nouveau triomphe cannois de Wenders pour Les Ailes du Désir (Prix de la mise en scène en 1987), le cinéaste accepte une commande du Centre Pompidou : un documentaire sur le styliste japonais Yohji Yamamoto, alors très en vogue, comme ses compatriotes Rei Kawakubo (son épouse et créatrice de la marque Comme des garçons) ou Kenzō. Autant dire un univers a priori très éloigné des centres d’intérêt de Wenders (même si, par la suite, il est un fait qu’il a changé de style vestimentaire…). Mais les deux hommes se découvrent plusieurs sujets de conversation communs, notamment le processus créatif, pas si différent entre un cinéaste et un couturier. Ou l’identité et le cinéma à l’ère (alors balbutiante, en 1989) du numérique : "Nous avons appris à faire confiance à l'image photographique. Peut-on se fier à l'image électronique ? Avec la peinture, tout était simple. L'original était l'original, et chaque copie était une copie - un faux. Avec la photographie puis le cinéma cela a commencé à se compliquer. L'original était un négatif. Sans empreinte, il n'existait pas. Au contraire, chaque copie était l'original. Mais maintenant avec l'électronique, et bientôt le numérique, il n'y a plus de négatif et plus de positif. La notion même d'original est obsolète. Tout est une copie. Toutes les distinctions sont devenues arbitraires. Pas étonnant que l'idée d'identité se trouve dans un état si faible. L'identité n'est plus à la mode" (Wim Wenders dans le film).

Si Loin, si Proche !

Nastassja Kinski et Martin Olbertz

Si plusieurs de ses films entretiennent quelques correspondances discrètes, Wim Wenders n’avait jamais réalisé de suite de l’un de ses propres films avant Si Loin, si Proche !, qui reprend le thème (des anges voulant devenir humains, pour ressentir la même chose qu’eux et s’en rapprocher émotionnellement) et certains personnages des Ailes du Désir : ceux de Bruno Ganz et Otto Sander, plus de courtes apparitions de Peter Falk et Solveig Dommartin, dont les rôles étaient beaucoup plus importants dans le film originel. Mais, entre les deux films, Wenders et Berlin ont changé : le premier a opéré un retour vers le christianisme de ses origines familiales et la seconde a vu son Mur tomber et ses parties Est et Ouest réunifiées, comme l’Allemagne elle-même. Cela donne un contenu beaucoup plus religieux à Si Loin, si Proche !, qui porte également un regard assez désabusé sur les premières années de la réunification, qui ne se passent visiblement pas comme Wenders l’avait espéré. La transformation de Cassiel (Otto Sander) en humain est comme une métaphore de ce désenchantement : perverti par de mauvaises rencontres, il finit par vivre une vie de criminel… Grand Prix du Festival de Cannes 1993, Si Loin, si Proche ! est aussi la dernière collaboration entre Wenders et Nastassja Kinski et peut se targuer d’être le seul film à avoir offert un rôle (très court) à Mikhaïl Gorbatchev, le dernier président de la défunte Union Soviétique !

Lisbonne Story

Rüdiger Vogler et Patrick Bauchau dans Lisbonne Story

Lisbonne Story est une "fausse suite" de L’État des choses, tourné également au Portugal, une douzaine d’années auparavant. On y retrouve plus exactement le même personnage de cinéaste, Friedrich Monroe (de nouveau interprété par Patrick Bauchau), sorte d’alter ego de Wenders lui-même, après qui son ami ingénieur du son, Philip Winter (Rüdiger Vogler, qui avait déjà le même patronyme dans Alice dans les Villes et Si Loin, si Proche !), part à la recherche dans Lisbonne. Au départ, le film était destiné à être un documentaire faisant la promotion de la capitale portugaise, à l’occasion de sa désignation comme capitale européenne de la culture, en 1994. Mais, tout en mettant en valeur la cinégénie de la ville, Wenders décide d’en faire aussi un hommage au cinéma. On y croise d’ailleurs le grand cinéaste portugais Manoel de Oliveira dans son propre rôle et Lisbonne Story peut aussi être vu comme un pendant à Dans la Ville Blanche (1982), du Suisse Alain Tanner, qui suivait également les pas d’un étranger errant dans Lisbonne, interprété d'ailleurs par Bruno Ganz, autre comédien wendersien. Et, comme souvent avec le réalisateur allemand, cette déambulation lisboète est aussi musicale, puisque le film y met en valeur le groupe de "néo-fado" portugais Madredeus, dont il a grandement contribué à lancer la carrière internationale.

Les Lumières de Berlin

Otto Kuhnle, Nadine Büttner et Udo Kier dans Les Lumières de Berlin

Probablement le film le plus méconnu de cette sélection, passé trop inaperçu à sa sortie. Il est vrai que Les Lumière de Berlin est assez difficile à catégoriser, entre la reconstitution historique romancée, le documentaire et le film expérimental. L’objectif de Wenders était de rendre justice aux frères Emil et Max Skladanowsky, surnommés les "Lumière berlinois", car ils avaient précédé de quelques semaines la première projection cinématographique (payante) des frères lyonnais, grâce à leur caméra biographe (ou bioscope). Pour réaliser ce film, Wenders associe, pendant deux années, ses étudiants de l’école de cinéma munichoise où il enseignait alors (et ou lui-même avait été étudiant), exactement comme son ami Nicholas Ray l’avait fait à New York dans les années 70, pour l’expérimental We can’t go home again (dont plusieurs extraits sont visibles dans Nick's Movie). Dans le rôle de l’un des frères Skladanowsky (Max), on retrouve Udo Kier, grand bourlingueur du cinéma international (Paul Morrissey, Rainer Werner Fassbinder, Walerian Borowczyk, Dario Argento, Gus Van Sandt… et acteur fétiche de Lars Von Trier), pour la première fois dans un film de Wim Wenders.

Buena Vista Social Club

Wim Wenders et Compay Segundo dans Buena Vista Social Club

L’un des films les plus connus de Wenders, et l’un de ses plus grands succès publics ; mais aussi l’un de ceux qui illustrent le mieux l'ambition du cinéaste d’être un "passeur" (pour reprendre le joli mot du grand critique de cinéma Serge Daney). C’est-à-dire partager ses enthousiasmes de fan avec le plus grand nombre, qu’ils soient cinématographiques, musicaux, littéraires, etc. On connaissait jusqu’ici la grande passion de Wenders pour le rock et on le découvre ici ambassadeur des plus grands talents de la musique cubaine, pour la plupart alors très peu connus en dehors de l’île. En l’occurrence, lui aussi a eu besoin de son propre passeur, le guitariste et chanteur Ry Cooder, auteur de l’inoubliable B.O. de Paris, Texas, qui lui fit découvrir la musique cubaine et ses filins, danzóns et autres boléros. Cooder emmène Wenders à La Havane quelques mois après qu’il y ait produit l’album Buena Vista Social Club, dont le film va booster considérablement les ventes dans le monde entier (plus d’un million de ventes en Europe en dix ans !), pour filmer l’enregistrement d’un nouvel album, celui du chanteur Ibrahim Ferrer, avec les mêmes merveilleux musiciens, souvent au crépuscule de leur vie : Compay Segundo (qui va par la suite devenir une vraie star, à plus de 90 ans, et chanter notamment avec Charles Aznavour), Rubén González, Omara Portundo, Eliades Ochoa ou Orlando "Cachaito" López, pour beaucoup décédés dans les années qui ont suivi.

The Million Dollar Hotel

Donal Logue ou Mel Gibson dans The Million Dollar Hotel

The Million Dollar Hotel est né de l’amitié entre Wim Wenders et Bono, le charismatique leader et chanteur de U2, depuis leur première collaboration sur Jusqu’au Bout du Monde. L’idée originale du film est due à la pop star irlandaise, et emprunte d’ailleurs (peut-être inconsciemment ?) quelques éléments au "diptyque des anges" de Wenders (Les Ailes du Désir et Si Loin, si Proche !), puisqu’il est question d’un marginal, amoureux fou d’un(e) ange déchu(e), se suicidant en se jetant dans le vide (pas de spoil ici, le film est essentiellement construit en flashbacks). Le réalisateur en confie le scénario à Nicholas Klein, qui avait déjà écrit pour lui The End of Violence, trois ans plus tôt. Aux côtés de Jeremy Davies (plus connu aujourd’hui comme le Dr. Destiny des séries DC Flash, Arrow et Supergirl) dans le rôle principal, on retrouve un casting très international, avec Milla Jovovich (alors muse et compagne de Luc Besson), Mel Gibson, Jimmy Smits (surtout connu pour les séries policières La Loi de Los Angeles et New York Police Blues), Peter Stormare (Fargo, Dancer in the Dark), Amanda Plummer (Pulp Fiction)…

Pina

Pina

Toujours très intéressé par les évolutions technologiques cinématographiques, il était presque inévitable que Wim Wenders réalise un jour un film en 3D. Mais, en 2009, lorsqu’il démarre le projet Pina, si la 3D est souvent présentée comme "l’avenir incontournable du cinéma" (on sait ce qu’il en a été depuis…), le procédé n’est quasiment utilisé que pour des blockbusters, animés ou non. En filmant les danseuses et danseurs de la compagnie de Pina Bausch, l’une des grandes figures de la danse contemporaine et plus particulièrement du Tanztheater (d’ailleurs le nom de sa troupe), ou "théâtre dansé", innove radicalement et surprend. Le décès soudain de la chorégraphe, à 68 ans (cinq jours seulement après avoir appris qu'elle était atteinte d'un cancer généralisé), pendant la préparation du film, va en changer un peu la nature. Mais Wim et Pina s’étaient accordés auparavant sur la captation d’extraits des créations les plus renommées de cette dernière : Le Sacre du Printemps (sur la musique de Stravinsky), Café Müller, Kontakthof et Vollmond, entrecoupées par des soli exécutés dans la ville-même de Wuppertal, là où réside le Tanztheater. Et où Wenders avait déjà tourné quelques-unes des scènes les plus marquantes d’Alice dans les Villes, notamment près du très spectaculaire "métro suspendu" de la ville. Nommé pour l’Oscar du meilleur film documentaire en 2012, Pina reste, encore aujourd’hui, le plus grand succès public de Wenders en France depuis The Million Dollar Hotel, en 2000.
 

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