Robert De Niro dans La Valse des Pantins

Robert De Niro, acteur hors normes

Quatre chefs d'œuvre de ses grandes années, à voir et à revoir.

Doit-on encore présenter celui qui est assurément l'un des plus grands comédiens américains de ces cinquante dernières années ? Depuis Mean Streets, en 1973, dans lequel il crevait déjà l'écran, il a accumulé les rôles iconiques, sous la direction de Francis Ford Coppola, Bernardo Bertolucci, Elia Kazan, Michael Cimino, Sergio Leone, Roland Joffé, Alan Parker, Brian De Palma, Michael Mann, Quentin Tarantino, Harold Ramis... Sans oublier, évidemment, son véritable "frère de cinéma", Martin Scorsese, auquel il doit tant et avec qui il a tourné pas moins de dix films. Une carrière, bien loin d'être finie, notamment récompensée de deux Oscars, deux Golden Globes et un Lion d'or pour l'ensemble de sa carrière, à seulement 50 ans. OCS vous propose de retrouver Robert De Niro dans quatre de ses plus grands rôles : Johnny Boy Civello, Rupert Pupkin, Noodles Aaronson et Ace Rothstein.

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Joe Pesci, Robert De Niro et Sharon Stone dans Casino

Mean Streets - Disponible

Robert De Niro dans Mean Streets

Même si Who's That Knocking at My Door, tourné six ans plus tôt, en est une sorte d'esquisse, restée assez confidentielle, Mean Streets peut véritablement être considéré comme la matrice du cinéma à venir de Martin Scorsese, dans laquelle sont déjà présentes presque toutes ses obsessions et ses figures les plus familières : religion, culpabilité/rédemption, criminalité, violence, communauté italo-américaine, New York, langage cru (record de f-word pour l'époque !)... Et bien sûr la présence, pour la première fois dans un de ses films, de Robert De Niro. Ce dernier ne tient pourtant que le second rôle, Johnny Boy, inspiré de l'oncle de Scorsese, mais vole la vedette, dès ses deux premières scènes, à son camarade Harvey Keitel, qui est le vrai "héros" du film (sans rancune, les deux hommes se recroiseront en 1976 dans Taxi Driver, mais Robert De Niro est entretemps devenu la tête d'affiche). Autre marque de fabrique scorsesienne, l'omniprésence de la musique et des chansons qui ont rythmé la vie du réalisateur lui-même : The Rolling Stones, Eric Clapton (via Cream ou Derek & The Dominos), The Shirelles, The Ronettes... autant de noms et de sons que l'on retrouvera plus tard, dans plusieurs de ses autres films. Pour l'anecdote, les droits d'utilisation de ces chansons ont d'ailleurs représenté la moitié d'un budget de production des plus réduits. Ironie de l'histoire : alors que Mean Streets est souvent cité comme l'un des films new yorkais les plus emblématiques, toutes ses scènes d'intérieur ont pourtant été tournées à... Los Angeles, en studio, par souci d'économies !

La Valse des Pantins

Liza Minnelli, Robert De Niro et Jerry Lewis dans La Valse des Pantins

De très loin le plus gros échec commercial du duo Scorsese/De Niro (qui attendront d'ailleurs sept ans avant de collaborer de nouveau, sur Les Affranchis), mais pourtant considéré par beaucoup comme leur meilleur... Assurément le plus acide et malaisant, un peu comme les scènes de Joker où Joaquin Phoenix se rêve en roi du stand up et s'invite dans un show télé, exactement comme le personnage de Robert De Niro dans La Valse des Pantins, un hommage tout à fait délibéré au film de Martin Scorsese. Car Rupert Pupkin est un aspirant comique se rêvant comme le plus grand (The King of Comedy, comme le titre original l'indique beaucoup plus clairement), qui travaille dur pour cela mais n'a malheureusement aucun talent et dont les blagues ne provoquent que la gêne. Son objectif à court terme ? Se faire inviter dans le show de Jerry Langford et se faire ainsi connaître en direct (et aimer, forcément !) par des millions d'Américains. Mais, personnage assez antipathique, Jerry le rabroue sèchement et amène Rupert et une autre fan du présentateur, l'incontrôlable Masha (étonnante Sandra Bernhard, qui, n'étant pas comédienne de profession, a improvisé la plupart de ses scènes), à décider de mesures plus radicales pour parvenir à leurs fins... Dans le rôle de Jerry Langford, un Jerry Lewis comme on ne l'avait jamais vu, d'une totale sobriété, à mille lieues des grimaces qui ont fait sa réputation. De l'avis de Martin Scorsese lui-même, Robert De Niro livre ici sa meilleure interprétation sous sa direction.

Il était une fois en Amérique

Treat Williams et Robert De Niro dans Il était une fois en Amérique

Lorsque, en 1984, Sergio Leone présente au Festival de Cannes (une première pour lui) Il était une fois en Amérique, nul ne s'imagine qu'il livre là son film-testament. Pas même lui ! Il n'a alors que 55 ans et espère toujours mener à bien la production de son projet le plus fou : l'adaptation des 900 Jours de Leningrad, récit du siège interminable de la ville soviétique par l'armée allemande. Sa crise cardiaque fatale, au printemps 1989, y mettra malheureusement fin. Mais Il était une fois en Amérique a pourtant tout du testament cinématographique, car Sergio Leone n'y a probablement jamais été aussi mélancolique. Une mélancolie paradoxale puisque celle d'une époque et d'un lieu qu'il n'a évidemment pas connus : le Lower East Side et sa pègre juive du New York de l'entre-deux guerres. On ne peut pourtant pas s'empêcher de penser que le personnage de David "Noodles" Aaronson, interprété par Robert De Niro, est aussi une forme d'autoportrait du cinéaste, hanté par ses souvenirs, les occasions perdues, les amitiés trahies... Aux côtés de Robert De Niro, Sergio Leone a choisi des comédiens relativement peu connus, voire débutants, pour donner chair à une fresque couvrant près de cinquante ans de l'histoire de l'Amérique, ou plutôt de "son" Amérique fantasmée : James Woods, l'alter ego de Noodles, Joe Pesci (révélé en 1980 par Raging Bull, déjà avec Robert De Niro), Elizabeth McGovern (pour son deuxième rôle "d'époque", après Ragtime), Burt Young (le beau-frère de Stallone dans les Rocky), Treat Williams, Danny Aiello... mais aussi Tuesday Weld, idole de tous les teenagers américains des années 60, et la toute jeune Jennifer Connelly, qui ne pouvait pas rêver plus beaux débuts.

Casino

Robert De Niro et Don Rickles dans Casino

Interrompue après La Valse des Pantins, la collaboration entre Martin Scorsese et Robert De Niro reprend de plus belle au début des années 1990 avec Les Affranchis, Les Nerfs à Vif, puis Casino, qui en constitue une sorte d'apogée. On a beaucoup dit du film qu'il était l'"opéra" de Martin Scorsese et c'est assez vrai : pas seulement à cause de son utilisation de la musique (même si son ouverture sur La Passion selon Saint Matthieu de Bach est inoubliable) mais aussi par le poids du destin (qui frappe dès la scène introductive), les passions exacerbées (la relation entre Robert De Niro et Sharon Stone est sans doute l'une des plus toxiques et tortueuses que Martin Scorsese ait jamais filmée), la flamboyance de la mise en scène, le luxe des décors et des costumes (70 tenues différentes pour Robert De Niro, 40 pour Sharon Stone !)... De nouveau coécrit par Martin Scorsese et Nicholas Pileggi (comme Les Affranchis), Casino est très inspiré de la véritable histoire de Frank Rosenthal, directeur de plusieurs casinos à Las Vegas, et de son "garde du corps", Anthony Spilotro, que nul autre que Joe Pesci ne pouvait évidemment interpréter. Devenue, littéralement, superstar et sex symbol planétaires du jour au lendemain après la projection de Basic Instinct à Cannes en 1992, Sharon Stone trouve là, avec celui de Ginger, le rôle de sa vie (refusé par Michelle Pfeiffer, qui a dû s'en mordre les doigts...), qui lui vaudra sa seule nomination aux Oscars et son seul Golden Globe. Et Robert De Niro retrouve son antagoniste d'Il était une fois en Amérique (mais nulle amitié trahie ici), James Woods, dans le rôle d'une sorte de souteneur particulièrement méprisable. Mais le comédien était prêt à tout, comme en témoigne ce message laissé à Martin Scorsese lorsqu'il apprit qu'il pensait à lui pour ce film : "Any time. Any place. Any part. Any fee" ("N'importe quand. N'importe où. N'importe quel rôle. N'importe quel salaire").

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