Thomasin McKenzie dans Leave no Trace

OCS fait son Festival de Deauville

Une sélection des meilleurs films américains indépendants de ces dix dernières années.

 

Essentiellement consacré au cinéma indépendant américain depuis 1995, le Festival de Deauville, dont la 49ème édition aura lieu du 1er au 10 septembre 2023, est la plus belle fenêtre hexagonale sur les films qui se produisent outre-Atlantique mais souvent loin de Hollywood. Et une vraie pépinière de cinéastes prometteurs : Chloé Zhao (The Rider, d'ailleurs présent dans cette sélection), Damien Chazelle (Whiplash), Kelly Reichardt (Night Moves), Jeff Nichols (Take Shelter) ou encore Spike Jonze (Dans la Peau de John Malkovich) y ont en effet tous remportés le Grand Prix, avant de réaliser la carrière que l’on connaît.

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Colin Farrell et Malea Emma Tjandrawidjaja dans After Yang

X

Owen Campbell, Brittany Snow, Mia Goth, Kid Cudi et Jenna Ortega dans X

Ecrit et réalisé par Ti West, X organise la rencontre entre le slasher de la fin des années 70 (Massacre à la tronçonneuse, Halloween, Vendredi 13…) et le cinéma dit porno chic de la même époque (celle des Marilyn Chambers, Annette Haven, etc.). Cette irruption d’un tueur en série sur le tournage d’un film X en pleine Amérique profonde (le Texas, en l’occurrence), a fait sensation l’an dernier, d’abord à Sundance et Deauville, avant de devenir l’un des films les plus profitables de l’année, engrangeant près de 12 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis pour un budget de production estimé à seulement un million, malgré son interdiction aux moins de 16 ans. Soit encore un fulgurant succès pour LE studio américain indépendant du moment, A24, à qui l’on doit aussi Everything Everywhere All At Once, After Yang, Val ou la série Irma Vep. X a également offert à Jenna Ortega (devenue star planétaire avec la série Mercredi) l’un des premiers rôles majeurs de sa très jeune carrière cinématographique. Mais surtout révélé Mia Goth, qui a d’ailleurs depuis coécrit, avec Ti West, Pearl, une sorte de lointain prequel (situé en… 1918 !) de X, deuxième volet de ce qui devrait être une trilogie.

Wendy

Devin France dans Wendy

En 2012, Les Bêtes du Sud Sauvage, premier long-métrage d’un jeune Américain de même pas trente ans, créait l’événement en remportant un grand succès public (près de 300 000 entrées en France, 21 M$ de recettes dans le monde entier) et un nombre impressionnant de récompenses : 90 au total, dont la Caméra d’or cannoise ou les Grands prix du jury des festivals de Sundance et Deauville, sans oublier trois nominations aux Oscars. Et puis, jusqu’en 2021, on n’avait plus vraiment entendu parler de Benh Zeitlin, son réalisateur prodige. Jusqu’à la sortie de Wendy, audacieuse relecture contemporaine du fameux Peter Pan de James Matthew Barrie, de nouveau ancrée dans le Sud rural des Etats-Unis. Mais un Peter Pan vu cette fois plutôt du côté de Wendy, l’aînée Darling et la mère des Enfants perdus de Neverland. En cela, Zeitlin se montre d’ailleurs plus fidèle à Barrie que les autres adaptations du roman, qui font toutes de l’"enfant qui ne voulait pas grandir" l’unique personnage principal de l’histoire.

The Rider - disponible

Brady Jandreau dans The Rider

Lorsque The Rider sort, en 2018, Chloé Zhao est une jeune cinéaste chinoise, mais faisant carrière aux Etats-Unis, pleine de promesses après son premier film, Les Chansons que mes frères m’ont apprises (2015). Promesses pleinement confirmées avec The Rider, qui remporte un joli succès public et surtout de nombreux prix prestigieux, dont celui du meilleur film à la Quinzaine des cinéastes cannoise et le Grand prix du festival de Deauville. Le film est une plongée dans le monde du rodéo, interprétée par des comédiens non professionnels issus de la communauté amérindienne lakota. Il suit particulièrement le destin de Brady Jandreau, qui doit trouver un nouveau sens à sa vie après une sévère chute de cheval. Après The Rider, Chloé Zhao a encore élargi son public avec Nomadland, Lion d’or à Venise et Oscar des meilleurs film et réalisation en 2021. Avant l’étrange choix artistique de réaliser Les Eternels pour Marvel…

Brooklyn Village

Paulina Garcia & Jennifer Ehle dans Brooklyn Village

Le réalisateur Ira Sachs était déjà un habitué du Festival de Deauville, puisque ses films Forty Shades of Blue et Love is Strange y avaient été sélectionnés en 2005 et 2014, lorsqu’il reçut le Grand prix pour Brooklyn Village, en 2016. Le film épouse le point de vue de deux jeunes garçons, Jake et Tony, qui se lient d’une grande amitié lorsque les parents du premier héritent du petit immeuble de Brooklyn dans lequel la mère du second tient une petite boutique de vêtements. Mais leur relation va être mise à très rude épreuve par un conflit financier opposant les parents de Jake à la mère de Tony. Brooklyn Village est le film d’Ira Sachs qui a remporté le plus grand succès en France. Le réalisateur a d’ailleurs par la suite tourné avec Isabelle Huppert (Frankie, sorti en 2019) et Adèle Exarchopoulos (Passages, sorti en juin 2023).

Intrusion sentimentale, inédit - Disponible

Grace Van Dien dans Intrusion Sentimentale

Totalement inédit en France, et même (presque) aux Etats-Unis, puisqu’il n’y est sorti en salles que le 4 août 2023, Intrusion sentimentale (What Comes Around) raconte le conflit entre une mère et sa fille lorsque la première découvre que la seconde entretient une relation avec un homme plus âgé, qui l’a séduite sur Internet. Présenté au TIFF (Toronto International Film Festival) à l’automne 2022, ce thriller a la particularité d’être réalisé et principalement interprété par trois femmes aux patronymes qui nous sont très familiers. Sa réalisatrice, Amy Redford, qui signe là son second long-métrage, est en effet la fille du grand Robert, alors que le rôle de la mère est tenu par Summer Phoenix, sœur de Joaquin et du regretté River, et que l’on avait d’ailleurs largement perdue de vue depuis Esther Kahn, d’Arnaud Desplechin, en 2000, et celui de sa fille par Grace Van Dien, fille de Casper (le héros de Starship Troopers) et arrière-petite-fille de Robert Mitchum !

Come As You Are 

Chloë Grace Moretz dans Come As You Are

Adapté du roman The Miseducation of Cameron Post d’Emily M. Danforth, lui-même inspiré d’une histoire vraie, Come As You Are est un drame dénonçant les "thérapies de conversion", ayant pour objectif de remettre de jeunes homosexuels ou lesbiennes dans le "droit chemin" de l’hétérosexualité. C’est ce que vit Cameron lorsque sa tante, qui en a la responsabilité après la mort de ses parents, découvre qu’elle entretient une relation sexuelle avec une camarade. Elle l’envoie alors se "faire soigner" au camp God’s Promise, aux méthodes très strictes, où elle va partager le quotidien douloureux d’autres jeunes filles et garçons dans la même situation. Le film prend très clairement partie pour ces adolescents rééduqués et la réalisatrice (Desiree Akhavan), ainsi que la majeure partie de la distribution féminine (Chloë Grace Moretz, Sasha Lane, Quinn Shephard, Emily Skeggs…) revendiquent d’ailleurs très ouvertement leur appartenance à la communauté LGBT+.

The Novice

Isabelle Fuhrman dans The Novice

Premier film, partiellement autobiographique, de Lauren Hadaway, The Novice est l’histoire d’une quête de la performance virant à l’obsession. Celle d’Alex (Isabelle Fuhrman, vue récemment dans les suites d’Escape Game et Esther), jeune femme s’inscrivant dans le club d’avion de son université, qui va finir par être prête à tout sacrifier, et pas seulement elle-même, pour sa réussite sportive. The Novice a remporté trois prix au festival new yorkais de Tribeca, en 2021 (meilleure actrice, meilleure photographie et le prix Founders du meilleur film pour sa réalisatrice) et reçu cinq nominations aux Independent Spirit Awards en 2022.

Leave no Trace

Thomasin McKenzie et Ben Foster dans Leave no Trace

Will, ancien combattant en Irak souffrant d’un stress post-traumatique, vit seul avec sa fille de 13 ans, Tom, dans un jardin public de Portland. Leur quotidien est la survie, au jour le jour, et dans la plus grande discrétion possible. Jusqu’au jour où ils sont arrêtés et confiés aux services sociaux… La réalisatrice Debra Granik continue à dresser le portrait d’une "Amérique des oubliés" et des marginaux, après Winter’s Bone, qui avait révélé Jennifer Lawrence, en 2012. Ici, la révélation féminine s’appelle Thomasin McKenzie, revue depuis dans Jojo Rabbit, Old ou The Power of the Dog, aux côtés de Ben Foster, qui, en accord avec la réalisatrice, a supprimé 30% de ses dialogues prévus au scénario !

A Ghost Story 

Casey Affleck dans A Ghost Story

En 2016, le réalisateur David Lowery réunissait de nouveau le couple vedette de son premier long-métrage, Les Amants du Texas, pour un projet bien différent et particulièrement singulier. Casey Affleck et Rooney Mara ne sont plus des criminels en cavale, cette fois, mais un couple bien plus ordinaire sur le point de déménager de sa maison de Dallas. Jusqu’au jour où le premier décède dans un accident de voiture juste devant leur domicile, qu’il va ensuite hanter durant des années. A Ghost Story reprend le code du grand drap blanc habillant le fantôme, invisible aux autres, mais le détourne totalement par un traitement non spectaculaire, beaucoup plus contemplatif et poétique. Cette originalité lui a notamment valu un triple prix au Festival de Deauville 2017, Prix du jury, Prix de la critique internationale et le Prix Kiehl’s de la révélation.

The Guard 

Kristen Stewart dans The Guard

Les fictions américaines sur le camp de détention de Guantánamo sont particulièrement peu nombreuses, et d’ailleurs parfois totalement (The Road to Guantánamo, docu-fiction de Michael Winterbottom, avec Riz Ahmed) ou partiellement (Désigné Coupable, de Kevin Macdonald, avec Tahar Rahim) britanniques ; ou bien totalement loufoques et parodiques (Harold et Kumar s’évadent de Guantánamo). C’est le premier mérite de The Guard, inédit en salles et France et premier long-métrage de Peter Sattler, que de plonger son héroïne, le soldat Amy Cole, dans l’enfer de cette prison toujours en activité, que ni Barack Obama, ni Joe Biden ne sont parvenus à fermer, malgré leurs engagements. Dans le rôle principal, on retrouve Kristen Stewart, loin du glamour de Twilight ou des publicités Chanel, aux côtés du grand comédien iranien Peyman Maadi (Le Passé, La Loi de Téhéran…), en prisonnier avec qui le soldat Cole finit par se lier d’amitié, à ses risques et périls.

After Yang

Colin Farrell dans After Yang

Yang est un "adolescent robotique" acheté par un couple, Jake et Kyra, pour s’occuper de leur fille adoptive, Mika, et continuer à la connecter à la culture chinoise, sa culture d’origine. Mais tout l’équilibre familial va se trouver bouleverser lorsque Yang va tomber en panne et que Jake va découvrir sa "vie antérieure" en essayant de le faire réparer. Produit par A24, After Yang est le second long-métrage cinéma du vidéaste d’origine sud-coréenne Kogonada (alias Park Joong-eun), dont le pseudonyme lui a été inspiré par Kōgo Noda, l’un des scénaristes attitrés de Yasujirō Ozu. Dans le rôle des parents, on retrouve Colin Farrell et Jodie Turner-Smith (vue notamment dans Queen & Slim et qui sera à l’affiche de Tron 3, prévu pour 2025). La bande originale du film est signée du grand musicien japonais, Ryuichi Sakamoto (Furyo, Le Dernier Empereur...), pour l'un de ses derniers travaux pour le cinéma avant sa disparition, en mars 2023.

Bernadette a disparu

Cate Blanchett dans Bernadette a disparu

Inédit en salles en France, Bernadette a disparu constitue pourtant l’une des performances majeures de la riche carrière de Cate Blanchett, qui lui a d’ailleurs valu une nomination au Golden Globe de la meilleure actrice dans un film musical ou une comédie en 2020. Comme souvent avec la comédienne australienne, il s’agit du rôle d’une femme borderline, celui d’une architecte profondément agoraphobe, en conflit ouvert avec sa voisine (Kristen Wiig, l’une des reines de la comédie US, star notamment de Mes meilleures amies). Il est aussi question d’un voyage touristique en Antarctique (!) contrarié, avec son mari (Billy Crudup) et sa fille de quinze ans, et d’une organisation criminelle russe surveillée par le FBI… Aux manettes de cette comédie dramatique criminelle, Richard Linklater, à la filmographie aussi riche qu’éclectique, allant de la trilogie Before Sunrise/Sunset/Midnight à Rock Academy, ou de Boyhood à A Scanner Darkly.

Girls Only

Keira Knightley et Chloë Grace Moretz dans Girls Only

Megan (Keira Knightley), jeune femme de 28 ans sans réel objectif dans la vie, prend peur lorsque son boyfriend depuis le lycée lui propose de se marier. Le hasard lui fait rencontrer Annika (Chloë Grace Moretz), une lycéenne de 16 ans, chez qui elle va finalement "se réfugier" pour fuir sa vie de jeune adulte. Mais Annika a un père (Sam Rockwell), avec qui Megan va entamer une relation après une soirée très alcoolisée… Comédie romantique indépendante avec l’une des grandes spécialistes du genre, Keira Knightley, signée Lynn Shelton, malheureusement tragiquement disparue en 2020, à qui l’on devait déjà Humpday ("remaké" en France par Yvan Attal sous le titre Do Not Disturb) et Ma Meilleure Amie, sa Sœur et Moi (avec Emily Blunt).